mardi 26 août 2014

Toi mon frère que j'aime tant, toi mon frère qui me dérange tant...(2)

Au détour d'une conversation entre amis, je m'étonne que l'on puisse vivre des situations presque identiques.

Avec le temps, je devrais y être habituée et savoir que nos chemins finissent toujours par se ressembler et pourtant...

Toi mon frère que j'aime tant...
Oh oui qu'Amélie aime son frère et d'un amour sincère et fort.
C'est elle qui tremble lorsqu'il part plusieurs jours avec les scouts et qu'il est seul la nuit.
C'est elle qui le comprend mieux que personne.
C'est elle encore qui le câline et le console quand il est triste.
C'est son frère pour la vie!

Rosa, pour qui l'handicap est encore trop abstrait, n'imagine pas une journée sans lui. S'il part chez un ami, elle s'ennuie de son absence et attend impatiemment son retour.
C'est aussi son frère pour la vie.

Toi mon frère qui me dérange tant...
Elles ont beau aimer leur frère de toutes leurs forces, il y a des moments où elles aimeraient bien qu'il soit comme tout le monde, qu'il se confonde dans la masse et qu'elles puissent profiter de leur enfance, de leur insouciance.

Du haut de leur jeune âge, elles sont confrontées à des problèmes de grands. Elles doivent affronter les regards blessants, les remarques et les moqueries des autres enfants.
Je me suis forgée une carapace. Elles, pas encore.

Lorsqu'elles viennent vers moi, les yeux mouillés et le coeur qui tremble, je comprends immédiatement qu'un incident s'est produit.
Mon discours est toujours le même car je sais qu'un jour, elles s'en souviendront et n'auront alors plus besoin de moi pour gérer ce genre de situation.

Moi : "Regarde moi et sèche tes larmes! Qui est Simon?"
Elle : "Mon frère"
Moi : "Est-ce que tu l'aimes?"
Elle : "Oui mais là n'est pas la question"
Moi : "Oh que oui! Quand on aime un enfant, on le protège et on l'aide à devenir grand! On a le droit de ne pas aimer ton frère, on a le droit de ne pas être à l'aise par rapport à la différence mais on a pas le droit de se moquer de lui! On est tous différents!" Que peut-on faire lorsque tes amis se moquent de lui? Vas-y trouve un exemple!"
Elle : "Leur parler, leur expliquer que c'est pas gentil!"
Moi : "Voilà ma belle, tu as tout compris! Il faut leur expliquer, plusieurs fois s'il le faut, avec l'aide d'un adulte aussi et quand ils sauront qui est Simon, ils ne se moqueront plus (ou plus devant toi en tout cas)".

Simon, quant à lui, ne comprend pas tout de suite la moquerie. La génétique ne l'a pas programmé pour cela. Son âme est pure et sincère.
Lorsque les autres enfants rient de lui, il continue de faire le clown car il pense qu'il les amuse. Qui dit rire, dit aimer...
Ce n'est que lorsqu'il entend les injures que son regard s'éteint et qu'il se referme dans sa coquille.
Il a beau être différent, il comprend très bien "Mais qu'il est bête!"; "Mais quel con"; "Mais quel cochon!"
Il a beau être différent, il a appris à aussi se forger une carapace.

Il arrive que je surprenne mes filles à imiter leur frère, comme si elles voulaient que sa différence devienne la norme. Faisons tous comme lui et rions ensemble! Rions pour surpasser nos peurs, rions pour surmonter notre gêne. La comédie ne dure qu'un temps, la réalité refait surface très rapidement, trop rapidement!

A vous parents, prenez le temps d'expliquer la différence à vos enfants. C'est capital, c'est primordial!
La vie ne nous fait pas toujours des cadeaux, aidez-nous à faire grandir nos enfants dans un monde plus respectueux. Montrez-leur l'exemple, parlez sans langue de bois, sans tabou. Les moqueries naissent de malaises.

Et croyez-moi, rien de tel que des mots pour guérir ces maux...






vendredi 22 août 2014

Mon ami Justin

C'était un jour de décembre, un dimanche, il faisait froid.

La maison est rangée, nous attendons de la visite pour le goûter. Il fait calme, je n'aime pas quand il fait calme, tout le monde le sait maintenant, ça ne présage jamais rien de bon.

Le calme se rompt. Les vibrations de mon téléphone sur la table du salon m'arrachent à mes rêveries. C'est étrange, le téléphone de mon mari retentit en même temps.

Un message, LE message, celui que je n'aurais jamais voulu recevoir, celui que je n'aurais jamais voulu lire.

Ca y est, tu es parti, c'est fini, mon sang se glace.  C'est injuste, tu n'es encore qu'un enfant.

Le temps de conduire les enfants chez nonno et mamie et nous voilà aux portes de l'hôpital. Il fait froid et j'ai peur.

J'ai peur de la mort, j'ai peur de te voir, j'ai peur de pousser la porte, j'ai peur d'avoir peur.

Dans ta chambre, toute ta famille est au complet. Il y a une musique douce. Et toi, tu es là devant moi, tu dors paisiblement. Je m'approche de toi, je t'embrasse. Tout se bouscule dans ma tête, je ne sais plus si tu dors ou si tu es mort. Je vois tantôt ton visage, tantôt celui de mon fils, vos traits sont si similaires.

Je t'embrasse, c'est la première fois que j'embrasse un enfant dont il ne demeure plus que l'âme. A travers mes lèvres, tout me corps se cripse et se fige. Je veux garder de toi le souvenir du petit garçon que j'ai connu et non celui d'un corps froid. Je me force à te regarder et à te toucher, mon corps se réchauffe petit à petit, j'efface le mot "mort" de mon esprit et ne garde de toi que les rires et les bons moments. Cela m'a fait du bien de te voir et de te parler. Je ne peux pas t'accompagner dans l'au-delà mais je te confie à ma Principessa. D'ailleurs, je suis certaine qu'elle est déjà là, qu'elle te tend les bras. Je l'imagine me dire : "Dis à sa maman que je suis là et que je m'en occuperai comme si c'était Simon..."

Comme si la trisomie ne suffisait pas, il a fallu que la vie te donne une croix encore bien plus lourde à porter, celle de la maladie du moya moya. Avant toi, je n'en avais jamais entendu parler. Les risques et la maladies liées à la trisomie, je ne veux pas les connaître. Les ignorer pour ne pas avoir à les rencontrer...

Tu es un garçon extraordinaire, je suis en admiration devant tes progrès et ta rage de te relever après chaque tornade causée par la maladie.

Je me sens proche de ta maman. C'est elle qui la première nous a suivi dans notre rêve fou de vous apprendre à lire, à calculer, à écrire. Elle y a mis une telle énergie que les résultats ont été magiques.

Nous sommes venus te voir plusieurs fois à l'hôpital et nous avons gardé espoir jusqu'à la fin.

Ce dimanche de décembre, tu t'es transformé en ange, en étoile, gardant une place immense dans nos coeurs.

Lorsque j'annonce aux enfants que tu es parti, ils me répondent : "Parti où ?" "Il va revenir ?" "Il est parti en vacances?" "Au ciel ? Mais c'est où le ciel ?"

Il va falloir être forte et leur expliquer la mort avec des mots simples. Dès mes premiers mots, j'entends des portes qui claquent de colère, des larmes et des sanglots insoutenables.

Je leur demande de te faire un dessin. Les filles dessinent des coeurs et des arc-en-ciel. Quant à Simon, je ne m'attends pas à grand chose, le dessin n'est vraiment pas son point fort. Ce n'est pas grave, même un gribouillis fera l'affaire.

Après quinze minutes, Simon redescend et me tend une feuille. Sur cette feuille, il y a un bonhomme avec un visage, des vêtements. Il y a un coeur et un grand soleil et en haut, il est écrit "JUSTIN". C'est un vrai dessin, il a du sens, chaque trait est reconnaissable, j'en perds la respiration.
Mais tu sais dessiner???

Je retiens mes larmes, ma gorge se serre, j'ai besoin de parler de ce dessin.
Moi : "Mais il n'y a qu'un bonhomme...Il est où Justin?"
Simon : "Dans mon coeur".

Non seulement il sait dessiner mais en plus, je n'ai pas besoin de trouver les mots pour lui expliquer l'inexplicable car il a tout compris, comme s'il savait déjà et qu'il n'attendait plus que le moment fatidique où on lui annoncerait la mort de son ami.

J'ai gardé une photo du dessin. J'ai décidé de ne pas la publier dans ce blog car il ne m'appartient pas. C'est un cadeau de Simon pour son ami. Il n'était pas destiné à être montré.

Nous éclatons tous en sanglots et nous nous serrons fort dans les bras, nous avons besoin de cette chaleur familiale pour surmonter cette épreuve.

Pendant de longues semaines, de longs mois, Simon s'attache à un doudou, il a choisi le personnage de Woody. Il l'emmène partout. Je m'étonne, il n'en avait jamais ressenti le besoin avant ce jour...

J'essaye de lui parler, de comprendre mais je sens bien que je l'embête.
Moi : "Laisse Woody ici, tu le reprendras après l'école"
Simon : "Laisse tranquille je t'ai dit..."
Moi : "Euh..."
Simon : "Justin peur à l'hôpital"

Je comprends enfin que ce n'est pas Woody qu'il emmène avec lui mais bien son ami Justin. Il l'emmène avec lui pour le rassurer et lui dire de ne pas avoir peur, qu'ils sont ensemble et que tout ira bien.

Je ne l'ai plus jamais embêté avec Woody, je l'ai laissé gérer ses émotions et ses sentiments face à ce départ brutal. J'ai laissé faire le temps jusqu'au jour, sans trop savoir pourquoi, la poupée de chiffon a repris sa place bien sagement dans la chambre de Simon.

Avec l'absence et le temps qui passe, se pourrait-il que Simon oublie son ami? Je ne pense pas. A nous de cultiver sa présence, son courage, son goût pour la vie, son optimisme légendaire. Justin est toujours présent au travers des photos et des souvenirs merveilleux que nous avons de lui.

Bon voyage Justin!


jeudi 14 août 2014

Dédicace à mes copains les scouts




Me voilà avec vous...pas juste pour la photo, pour faire semblant. Je suis l'un des vôtres. Ca fait beaucoup pleurer maman. Elle n'est pas triste, elle est juste émue à chaque fois de voir combien vous m'aimez et les stratégies mises en place pour que je puisse participer aux activités comme les autres. Et oui maman, tu n'es plus toute seule à m'aimer, j'ai des amis maintenant et des vrais!















J'adore le sport, le football, le basketball et le ping-pong. Et j'aime encore plus gagner et me faire encourager par les copains. Allez, criez plus fort mon nom! Plus vous criez fort, plus vous dites bravo et plus je me sens pousser des ailes. Je suis tellement bien avec vous.










Certains copains sont plus timides mais cela ne dure pas très longtemps et puis pour d'autres, c'est une évidence, on est bien ensemble et puis c'est tout.




J'adore faire des câlins. Je sais que je deviens grand et que maman me dit souvent que je dois arrêter d'en faire, que ce n'est pas bien, que les gens vont s'attendrir car je suis handicapé mais au fond d'eux, ils vont se moquer. Moi, je me fiche de ce que les gens pensent, j'aime faire des câlins et je continue à en faire. Ca me rassure et je sais que j'ai un don pour mettre du soleil dans vos coeurs. Je ne veux pas gâcher ce don.



Avec vous, j'ai appris à grandir, à m'ouvrir aux autres. Maman est ravie car maintenant, je marche tout seul, je suis capable de faire de longues promenades. J'apprends de nouveaux jeux, j'aime rire et crier comme un fou avec vous. Trois ans que nous avons le même cri de guerre et maman n'en a pas encore compris un seul mot. Elle rit de nous voir hurler à la mort qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. Plus elle rit et plus je suis heureux. J'aime voir maman rire quand je suis là!




Vous avez bien vu, j'ai été trahi. Moi qui, à la maison, refuse de manger mes croûtes et ne mange que du pain de mie, j'ai été pris sur le fait. J'ai mangé de la baguette, avec une saucisse et du ketchup. C'étrait trop bon, j'ai tout mangé. Dommage que maman ait vu cette photo, elle ne voudra plus céder à mes caprices maintenant, elle ne voudra plus m'acheter ce pain que j'aime tant. Elle va encore me dire que je suis grand et que je dois manger comme un grand! Elle a raison maman mais moi, j'aime bien quand elle s'occupe de moi comme quand j'étais petit.




Chaque année, je change de chef, pas tous. Je change d'Akela, c'est le grand chef, un peu comme le grand schtroump. Sauf que maman, elle n'a jamais fait les scouts, elle ne comprend rien, il faut toujours lui expliquer plusieurs fois car ils ont tous des noms un peu bizarre. Chaque année, je change de chef et chaque année, maman, elle stresse. Et chaque année, elle pleure. Elle pleure de joie quand elle voit comment on s'occupe bien de moi, comment ils sont gentils avec moi. Ils adaptent les activités et font en sorte que je m'épanouisse, que je grandisse. Je les aime tellement. Il faudra que je pense à leur dire que je les aime à la rentrée, peut-être que je ne leur ai pas assez dit. C'est important de le dire aux gens qu'on aime.



Petite pause photo, j'adore les photos. Surtout que pendant ce temps, on en profite toujours pour faire un câlin. J'aime être une star, j'aime me sentir aimé, serré, entourré. Que c'est chouette les vacances avec les scouts. Ils ont réorganisé tout le camp pour moi. Je les rejoins trois jours plus tard que les autres car les deux premiers jours, ils marchent toute la journée, c'est trop fatiguant pour moi, je ne tiens pas le rythme. Alors ils font cette activité en début de camp, comme ça, moi, je peux être là avec eux, le reste du temps. Ils sont vraiment gentils de faire ça pour moi. Je les adore!



A bientôt les copains! Vivement la rentrée, j'ai hâte de vous retrouver!

dimanche 10 août 2014

La lettre

Comme à chaque camp scout, je prépare le sac de Simon avec le plus grand soin.

Je prends la liste des affaires demandées et les range très soigneusement. Rien ne doit manquer pour mon prince.

Dans la liste, des feuilles de papier, des enveloppes et des timbres. Pour me donner des nouvelles sans doute...

Des nouvelles, j'en reçois mais jamais par courrier. J'ai la chance de recevoir des textos et des photos qui me rassurent.

Simon revient avec des rêves plein la tête, le coeur plein d'amour et des souvenirs d'amitié à n'en plus finir.

Je le serre dans mes bras, il pue, si si je vous jure, mais ce n'est pas grave, j'ai besoin de le sentir, de le serrer contre moi, il m'a manqué terriblement. Je le sens grandi, il est heureux et serein. Il tente de me raconter sa semaine de folie mais tout se mélange dans sa tête, il va trop vite, je ne comprends rien, les mots s'emmêlent, les émotions explosent.

Je ne tente pas de le reprendre, je suis tellement heureuse de le retrouver, tellement heureuse qu'il ait des amis, tellement heureuse de constater que son intégration au sein de la meute soit une vraie intégration et non une simple intégration sociale. Je n'aurai de cesse de tous les remercier pour le cadeau  énorme qu'ils nous font!

A peine arrivé, pas le temps de défaire son sac, nous voilà repartis pour la Normandie en famille. Une semaine avec nous et une semaine avec nonno et mamie. La semaine passe à la vitesse de l'éclair, c'est déjà l'heure de se quitter.

De retour à la maison, il règne une ambiance mortuaire, pas un seul bruit mais que c'est triste.

Je vous entends déjà : "Mais profitez de ces quelques jours en amoureux!"
Oui mais voilà, on ne se réinvente pas. Mes enfants me manquent.

Sur le canapé, je prends l'oreiller de ma fille pour humer son odeur. Je ferme les yeux et les imagine faire des bêtises et mener la vie dure à leurs grands-parents.

J'ai besoin de me changer les idées, je vais aller chercher le courrier, la vie ne va pas s'arrêter de tourner, il y a sûrement des factures à payer.

Dans la boîte aux lettres, une enveloppe avec inscrit : "Famille Cattoor". Tiens donc, de qui est cette lettre?  Je la retourne, je vois le prénom de Simon, c'est son écriture, il y a aussi un coeur et un soleil.

Mon coeur commence à battre un peu plus fort, mes mains tremblent, mes yeux se mouillent, je ne parviens plus à respirer. Je veux savourer cet instant, je mets l'enveloppe sur mon coeur et tente de récupérer un rythme cardiaque correct.

Cette lettre est un cadeau du ciel alors qu'il me manque tant. Il nous a écrit sa première lettre, ses chefs ont dû probablement l'aider.
C'est écrit en imprimé, tous les mots sont collés, rien à voir avec ce qu'il a pu apprendre cette année à l'école mais je m'en contrefiche, c'est sa première lettre et elle est pour nous, elle est tellement belle. Il y raconte ce qu'il fait de ses journées mais surtout, il écrit qu'il s'amuse avec ses copains.

J'ai peur que mes larmes n'effacent l'encre des mots, je ne me le pardonnerais pas. Je dois donc m'interrompre plusieurs fois, me calmer avant de reprendre ma lecture et m'assurer de la sorte de ne pas l'abîmer.

Merci mon amour pour cette belle surprise. Je la garderai comme on garde un bijou précieux et j'irai la relire à chaque fois que l'envie me prendra de baisser les bras...