Alors que j'étais enceinte, tout allait bien.
Je prenais du poids, j'étais fatiguée comme tout le monde, rien d'inquiétant.
Le moment fatidique arrive, on se dirige vers la clinique. Sur la route, je dis à mon mari "Tu te rends compte, on part, on est deux. Quand on reviendra, on sera trois et plus rien ne sera comme avant!"
A ça c'est sûr, plus rien ne sera comme avant!!!
A la naissance, Simon a des favoris. Il me fait penser à Dirk Rivers.
Il a les yeux en amandes, comme son papa. Je le trouve magnifique. Il est magnifique.
Les médecins l'examinent sous toutes les coutures. C'est notre premier enfant. On se dit que c'est normal, c'est le protocole.
La première journée se passe à merveille, comme dans un rêve. On nous félicite, on nous embrasse, on nous complimente.
Le deuxième jour, tout s'écroule. En fin de journée, un pédiatre rentre dans la chambre avec un air grave. Il nous dit "Votre enfant présente des signes morphologiques inquiétants". On panique, on veut en savoir plus. Impossible, il faudra attendre notre pédiatre qui ne pourra venir que le lendemain dans l'après-midi.
L'angoisse monte, impossible de dormir. On commence à faire une sorte de brainstorming et à réfléchir sur ce que pouvait bien signifier "troubles morphologiques inquiétants". On parle, on réfléchit, l'idée de la trisomie est évoquée mais on y croit pas, les médecins l'auraient probablement remarqué...
On attend, on tourne en rond, on stresse, on pleure...et on attend.
Dans l'après-midi, notre pédiatre arrive avec un regard encore plus froid et grave que le premier. Je ne veux plus voir ce regard, alors je baisse la tête et ne voit plus que sa blouse blanche. Un long silence s'installe, elle n'ose pas parler, elle réfléchit sans doute aux mots qu'elle va utiliser. Elle n'a pas encore parlé et je la déteste déjà.
Je décide de rompre le silence et lui lance abruptement : "Mon fils est trisomique"? Elle me répond "Vous saviez"?, "Non, vous venez de me l'apprendre!" lui répondis-je.
Mon mari s'est assis pour ne pas tomber. Je suis restée debout, surtout ne rien laisser transparaître, je me veux forte, je pleurerai plus tard mais sûrement pas devant cette blouse blanche, oiseau de mauvaise augure.
En partant, elle nous a dit quelque chose de très censé et c'est pour ça, je pense, que finalement, je resterai très longtemps attachée à cette blouse blanche.
Elle nous a dit : "Que voyez-vous là"?
A ce moment-là, je ne veux qu'une chose, qu'elle s'en aille et me laisse pleurer en paix.
Elle continue et nous dit "Ce n'est pas un trisomique que je vois là!!!Je vois votre fils, je vois votre Simon qui demande à être aimé. Il n'ira peut-être pas à l'unif mais il fera autre chose, quelque chose d'utile...Aimez-le, regardez-le, le reste viendra avec le temps..."
Là, les larmes ont coulées, je n'ai pas su les retenir.
Ces mots resteront gravés dans ma mémoire pour toujours et j'aime les répéter aux parents que je rencontre. Merci Docteur Peyra.
Le personnel hospitalier n'est pas formé pour venir en aide aux parents qui viennent d'avoir un enfant différent. Ils n'ont pas le temps non plus! Ils font ce qu'ils peuvent avec les moyens du bord, ils improvisent, ils écoutent...
A y repenser, j'ai été odieuse avec elles, alors qu'elles n'en pouvaient rien. Je devrais penser à m'excuser. Peut-être me liront-elles?
Ensuite, vient la famille, les amis, qui étaient déjà venus une première fois pour nous féliciter. Ils reviennent vous voir, mais cette fois-ci avec une autre tête, une tête d'enterrement oserais-je dire.
Ils essayent de vous réconforter, de vous épauler. Alors, s'ensuit une farandole de mots. Des mots qui vous réchauffent le coeur et d'autres qui n'auraient jamais dû être prononcés.
Bien entendu, on ne se souviendra pas des premiers mais bien des seconds.
Exemple : Tu vas en faire un deuxième? Tu peux l'abandonner? etc
Je n'en ai tenu aucune rigueur.
Avec le recul et le temps, je sais aujourd'hui que cela voulait dire : on est avec vous, on est là si vous avez besoin de nous, on est mal et on ne sait pas quoi dire. Au lieu de s'abstenir, ils ont dit la bêtise de leur vie.
Si je pouvais donner un conseil aux jeunes parents d'enfants trisomiques, c'est de se débarasser des personnes et des pensées toxiques à leur bien-être. Ne gardons que le positif. On ne peut pas en vouloir à la terre entière. Il faut aller de l'avant, cela ne sert à rien de repenser à des mots ou gestes manqués.
Il y aura toujours quelqu'un, quelque part, pour nous dire quelque chose qui nous fera mal, tellement mal qu'on en aura envie de s'écrouler, de s'endormir pour ne plus se réveiller. Ce n'est pas facile au quotidien, mais je vous assure, que dès que cela arrive, il faut absolument penser positivement, prendre du recul et zapper toute pensée ou toute personne qui pourrait vous être toxique.
La grande question a été de savoir quelle était la part de responsabilité du gynécologue.
Il nous fallait un coupable, quelqu'un sur qui passer nos nerfs. On a trouvé : le gynécologue, ce vilain bonhomme qui n'a rien vu ou qui n'a rien voulu voir.
Là aussi, avec le recul, je l'en remercie. Peut-être que s'il nous avait dit pour la trisomie, peut-être aurions-nous décider de mettre terme à la grossesse. Quelle horreur! Je serais passée à côté du plus beau cadeau que Dieu ait pu me faire : mon enfant soleil!!!
Quand Antonella m'a dit que tu avais crée un blog,curieux comme un singe je me suis catapulté sur mon PC. Tu raconte des choses que je savais déjà, mais les lire me les ont faits voir d'une façon différante. Grand,gros,fort et macho comme je suis ne m'a pas empêché de retenir cette maudite larme,mais non pourquoi maudite? je me rend conte que ce n'est que du bonheur, personne d'entre nous pouraient immaginer sa vie sans Simon.BRAVO RORO!!!
RépondreSupprimerMême si je connais cette histoire par coeur, pour l'avoir vécue avec vous, pour vous avoir écoutés, réconfortés, soutenus, tu vas réussir à me faire pleurer, si tu continues!! ;-))
RépondreSupprimerEt voilà, j'ai les larmes aux yeux! Quelle belle histoire que la vôtre.
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