Après avoir visité la fontaine de Vaucluse sous une chaleur accablante, l'heure est venue de nous restaurer. Bars et restaurants en tout genre jouxtent le site mais aucun ne nous séduit. Ni vraiment soif, ni vraiment faim, juste envie de respecter l'horloge biologique des enfants et la mienne aussi peut-être. En route, l'inspiration nous viendra probablement...
Sur le chemin, une pancarte et sur celle-ci un grand "M". Simon s'écrie "là,là", "Frites, ketchup!". Ce n'est certes pas un restaurant très provençal, mais celui-ci fera l'affaire pour aujourd'hui. Simple, rapide et sans prise de tête.
Le pas de la porte franchi, j'aperçois un comptoir noir de monde. Je regrette déjà d'avoir cédé à la tentation de la facilité.
Je m'installe à une table avec les enfants et tente de les faire patienter en leur parlant, leur posant des questions et en leur proposant de petites chansons. Le comptoir ne désemplit pas, je perds patience, les enfants aussi.
Simon en a assez, je le prends sur mes genoux pour le calmer, le cajoler et le convaincre d'attendre encore un peu.
A la table voisine, une dame avec ses enfants. Elle observe Simon. Cela m'irrite mais je feins de ne pas la voir. Occuper mes enfants, voilà l'unique tâche à laquelle je dois me concentrer.
Elle persiste. Elle saisit la figurine Shrek de son fils et l'agite dans la ligne de mire de mon fils. Est-elle vraiment stupide ou le fait-elle exprès? Quel est son but, susciter sa jalousie?
Afin d'éviter toute pulsion de violence verbale, je suggère aux enfants d'aller jouer dehors même s'il fait chaud, trop chaud. Je préfère me dérober à ses regards incessants.
Elle me suit, elle me sourit. Me connait-elle? Mais qu'ai-je fait à la fin et ce comptoir qui ne désemplit toujours pas! Je prie pour que mon mari vienne me libérer de cette inconnue qui m'agace et qui m'effraye.
Elle s'approche, mon cœur s'emballe. Je respire profondément et d'un coup de baguette magique, je change de visage, je mets mon masque, je me protège, c'est une habitude.
Elle affiche son plus beau sourire et tout naturellement, elle me salue et me dit : "Mon fils est aussi handicapé!"
A ce moment bien précis, je me sens tellement bête. Elle s'est approchée de moi sans peur, sans crainte, juste pour discuter car sans le savoir nous appartenons à la même famille, la grande famille des Handicapés.
Simon, par ses traits, est facilement reconnaissable. Le sien, c'est dans sa tête que cela se passe. A première vue, il ressemble à un enfant ordinaire et pourtant il ne l'est pas, il est autiste.
Elle s'émerveille devant Simon, devant nos échanges. Elle a du mal à entrer en communication avec son fils. En quelques mots, elle m'explique son parcours, son histoire et avec toute la fierté d'une mère, elle me montre le tout nouveau progrès de celui pour qui, elle aussi, se bat jour après jour.
Elle appelle son fils et lui demande un bisou. Son fils s'approche d'elle et l'embrasse. Ses yeux se voilent tant l'émotion est forte. Cinq années qu'elle attend ce moment et depuis quelques jours, son fils réagit enfin. C'est le début d'une grande histoire qui commence.
Cette étrangère qui a croisé mon chemin par hasard m'a appris quelque chose de très important. Elle m'a appris à baisser ma garde. Simon n'est pas le seul handicapé sur cette terre et tous les terriens ne sont pas tous curieux et mal pensants.
Cet échange, aussi court fût-il, a été si intense, si généreux, si spontané....et surtout, si agréable.
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