Je m'en souviens comme si c'était hier de cette visite rue de la Vierge Noire. Une grosse claque en pleine figure.
Lorsqu'on m'annonce que le handicap de mon fils me donne droit à une majoration d'allocations familiales, je ne veux rien entendre. Je ne veux pas de cet argent. Accepter serait un signe de reconnaissance de la trisomie et moi, je veux l'occulter tant que c'est encore possible. Je veux qu'on me laisse tranquille et qu'on me laisse vivre ma vie comme les autres.
Alors que je m'entête, une tante essaye de me résonner (les plus curieux se demanderont de qui il peut bien s'agir...Qui d'autre à part toi, ma chère et tendre zia Fifa).
Elle a compris que je ne vais pas bien, je suis en détresse et que toute cette colère qui dort en moi ne me fera pas avancer. Cette allocation qui m'est octroyée, je dois l'accepter tout comme je dois accepter le handicap et l'utiliser pour rendre sa vie meilleure.
Elle a su trouver les mots pour m'apaiser et j'ai poursuivi les démarches administratives pour l'octroi de cette allocation. Un vrai chemin de croix!
Les années passent, Simon a 3 ans, je reçois une lettre du médecin conseil. Je dois me rendre rue de la Vierge Noire pour présenter Simon afin d'obtenir une nouvelle attestation, la précédente étant venue à échéance.
Je suis hors de moi, je ne comprends pas pourquoi je dois représenter mon fils, y aurait-il une chance que le chromosome surnuméraire disparaisse? Il me faut prouver que mon fils est toujours handicapé et que l'allocation que je perçois ne m'est pas versée indûment. J'ai l'impression de devoir montrer mon fils comme une bête de foire.
Malgré ma colère et mon indignation, je n'ai pas le choix. C'est une corvée comme une autre, en route!
Arrivés sur les lieux, je m'assois et attends mon tour bien sagement. Je surveille mon fils, je tiens à ce qu'il se comporte bien. Alors que d'autres enfants crient et courent dans tous les sens, j'occupe Simon avec un livre et veille à ce qu'il ne fasse pas de bruit.
C'est enfin à notre tour. Je suis fière de montrer au docteur tous les progrès de Simon. C'est le fruit d'un long travail et je ne peux qu'être contente du résultat. Je tente d'être agréable et polie devant une jeune femme aussi froide que distante. Elle prend des notes tout en observant Simon.
Le verdict tombe. Elle me dit abruptement que les allocations majorées ne sont pas attribuées d'office et qu'elles peuvent être retirées à tout moment. Selon ses observations, Simon a certes du retard mais en règle générale, son évolution est positive. En d'autres termes, ces allocations pourraient m'être retirées.
Je suis sous le choc. Je me sens trahie. Je ne suis ni une mendiante ni une voleuse. Mon fils n'a pas changé, il est et sera toujours trisomique. Il aura toujours du retard et avec les années, je suis bien consciente que cela va encore s'accentuer. Croyez-moi bien que si ce chromosome surnuméraire pouvait disparaître par magie, je serais prête à leur rembourser jusqu'au dernier centime!
L'âme en peine, je repars à grands pas, serrant fortement mon fils dans les bras. Je veux le protéger de cet endroit où l'on vous montre du doigt. J'ai envie de pleurer mais je me contiens pour Simon. Je ne veux pas qu'il me voit triste.
En définitive, j'ai continué à bénéficier de ces allocations malgré un avis négatif et une nouvelle attestation m'a été délivrée pour une nouvelle période de trois ans.
Simon a 6 ans, il me faut à nouveau retourner devant ces tyrans. L'heure approche, j'ai mal au ventre. Mais cette fois-ci, c'est différent. Je sais à quoi m'attendre et je m'y prépare. Ils veulent voir un handicapé, ils vont voir un handicapé. L'important, c'est que moi, je sais ce que vaut mon fils. Je n'ai que faire de ces automates qui effectuent leur travail sans réfléchir.
Lors de cette visite, Simon est fatigué. Couché tard, levé tôt, Simon est de mauvaise humeur. Sur place, il court, il crie, je ne dis rien. Je le laisse faire toutes les bêtises qu'il sait si bien faire.
Dans le local de consultation, on demande à Simon de dessiner, il ne veut pas et jette tous les crayons à terre, un vrai sauvage. Ni je le gronde, ni je ne le raisonne. Il fait le mal élevé et le capricieux et c'est tant mieux! Intérieurement, je souris et espère qu'il fera pire encore.
La visite n'aura duré que quelques instants, pas besoin de s'éterniser mais cette fois-ci, aucun doute sur mes allocations. Me voilà tranquille pour trois années supplémentaires. Dommage, j'aurais tellement aimé leur montrer les bons côtés de mon fils et tout le chemin parcouru en trois ans mais visiblement, ce n'est pas ce qu'ils ont envie de voir...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire