mercredi 17 février 2010

Le langage

Lorsque je vois des enfants dans la rue, à l'école ou dans un magasin, je ne peux m'empêcher de sourire et de me demander si un jour Simon aura un bon usage de la parole.

Simon a babillé très tôt, comme tout autre bébé de son âge.

J'ai veillé à ce qu'il rentre sa langue, je ne voulais pas d'un enfant avec la langue pendante pensant que cela l'empêcherait de parler par la suite.
Alors je l'ai ennuyé et ennuyé encore, jamais je ne l'ai laissé tranquille, lui demandant sans cesse de rentrer sa langue en tapotant avec mes doigts sur sa bouche. Aujourd'hui, il a la langue bien en place mais je ne sais pas si c'est grâce à mon acharnement ou si cela devait en être ainsi.

Simon a tout juste 18 mois lorsque pour la première fois, on me parle du langage des signes. Un langage pour sourds et muets simplifié. Je suis choquée, mortifiée. Il est encore si petit. Il n'est ni sourd ni muet. Je ne comprend pas la démarche. Je reçois trop d'informations que ni je ne comprends, ni je ne retiens.

J'accepte tout de même de rencontrer une première logopède. J'assiste à la séance et suis vraiment dubitative du bien fondé de cette technique. On commence par lui apprendre un langage codé pour les couleurs. N'y-a-t-il pas d'autres mots plus fondamentaux par lesquels il faudrait commencer? Nous n'y sommes plus jamais retournés.

L'apprentissage du langage des signes a réellement débuté à l'âge de 3 ans. Simon ne parlait toujours pas, j'ai pensé que le moment était venu.

Dès les premières séances, Simon est dissipé, il n'est pas preneur de cette technique. Il s'entête allant jusqu'à refuser de regarder l'adulte lorsque celui-ci se mettait à utiliser ce langage codé. Cela lui vaudra d'ailleurs une belle étiquette "Simon est un enfant à tendance autistique qui n'a aucun contact visuel". N'ont-ils pas observé que sans le langage des signes, Simon avait un très bon contact visuel?
Nous avons tout de même continué les séances pensant qu'il devait apprendre à communiquer d'une manière ou d'une autre pour que ses frustrations puissent prendre fin.

Il éprouvait énormément de difficultés à s'exprimer et ce, malgré tous les moyens mis en œuvre pour l'y aider (pictogrammes, gestes, paroles,....) Conséquence : Simon hurle, Simon se jette par terre, Simon pleure, Simon est triste....et donc, comme une évidence, je suis triste.

J'observe ses amis qui pour certains, le langage des signes est une révélation. Ce n'est en tout cas pas celle de Simon.

A l'âge de 5 ans, il entre au Grand Tour. Là, aussi, on utilise ce fameux langage des signes. Je les préviens immédiatement du comportement de Simon. On me dit que le langage des signes est utilisé comme support à la parole et qu'il est utile pour certains enfants. Ce n'est pas vraiment un cours en soi, ce sont des gestes qui marquent une action, un mot précis. Simon n'est toujours pas très preneur, sauf lors des comptines, mais ne les refuse plus catégoriquement, acceptant même parfois d'en faire l'un ou l'autre. Souvent le geste vient après la parole.

Aujourd'hui, Simon a 7 ans et demi et ne parle toujours pas correctement. Il articule un mot, fait une petite phrase ou énonce une demande lorsque cela lui est explicitement demandé, lorsqu'il sait que s'il n'énonce pas sa demande correctement, il n'obtiendra rien.

Dès que les regards ne sont plus figés sur lui et qu'il peut enfin jouer, je l'entends parler à n'en plus finir. C'est son langage à lui. Il parle tellement vite qu'il nous est impossible de comprendre le moindre mot.

Hier soir, à la télévision, j'ai vu un jeune trisomique de 19 ans qui parlait très clairement, qui faisait de jolies phrases tout naturellement. Je me suis mise à rêver que peut-être dans 10 ans, Simon aurait accès à ce niveau de langage.
J'espère que tous les efforts qu'il aura fourni seront récompensés.

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