jeudi 11 février 2010

Quand l'heure du bilan sonne

"Bilan"...Lire ou entendre ce mot, provoque en moi, et ce depuis toujours, une sensation si désagréable qu'elle en est tout simplement insupportable.

Peu de temps après la naissance de Simon, je reçois les coordonnées de l'AWIPH. Je m'empresse de les contacter et reçois la visite charmante d'une généticienne et d'une kinésithérapeute qui proposent de suivre mon Simon.

J'accepte. J'ai tellement peu d'informations sur le handicap, sur la trisomie 21. J'ai envie de rencontrer des personnes qui me comprennent et qui peuvent m'aider. Elles ont l'air d'avoir de l'expérience, j'ai envie de leur faire confiance.

Durant les deux premières années de Simon, tout se déroule à merveille. Le contact est excellent, les mots utilisés sont simples et les bilans sont ni bons ni mauvais mais les termes utilisés ne sont pas réducteurs. Je ne me sens pas agressée et j'accepte bien volontiers les suggestions qui me sont faites.

Lorsque deux années plus tard, nous déménageons vers Bruxelles, la donne se modifie légèrement puis intensément.

A Bruxelles, nous sommes mis en contact avec une kinésithérapeute indépendante qui accepte de suivre Simon en crèche. Elle est différente, elle est plus froide, plus distante. J'ai confiance en elle mais ne lui parle pas beaucoup.
Lorsque le temps du premier bilan arrive, je suis stupéfaite. Elle a ses fiches avec des cases qu'elle coche lorsque Simon réussit une épreuve. Elle ne se préoccupe pas de savoir s'il a envie de participer à l'épreuve, de savoir s'il est fatigué ou malade. Elle a tout simplement déterminé un jour et une heure pour le bilan et tant pis si le petit est en condition ou pas.
Elle notera notamment : "Simon ne sait ni attraper la balle ni la renvoyer". S'est-elle seulement demandée s'il avait eu envie de jouer avec elle. Avait-elle su être convaincante.
J'ai mal, très mal car même si je connais mon fils, même si je connais ses capacités, je sais ce qu'il vaut et il vaut bien mieux que tout ce qu'on pourra écrire ou ne pas écrire sur lui. Le fait de voir toutes ses inepties sur papier me démoralisent. Qui est-elle pour juger mon fils? Lui, qui se bat au quotidien pour apprendre et progresser.
Devant ma détresse, les puéricultrices me conseillent de ne plus faire appel à ses bons services. Elles l'ont observée pendant de nombreuses séances, elles connaissent désormais les gestes qu'il leur faut répéter et me proposent de travailler avec Simon dans les moments les plus appropriés pour lui.

Mais les bilans n'en sont pas terminés pour autant.
Avec l'entrée de Simon à l'école ordinaire, il nous faut trouver une équipe qui le stimulera au niveau de la parole et de la psychomotricité.
On nous conseille un centre à Berchem-Sainte-Agathe.
Pendant trois années, les bilans s'enchaînent, les uns plus désastreux que les autres. Là encore, on ne retiendra que le négatif, jamais le positif. A les entendre, j'ai un petit garçon qui n'a aucun contact visuel avec des tendances autistiques, qui ne veut rien entendre, qui ne tient pas en place, qui n'apprend pas, qui ne progresse pas.
De manière très naturelle, je souris, je mets mon masque. Jamais mes interlocuteurs ne sauront oh combien ils me font mal. Je les méprise et m'enfuis dans la voiture. Je veux partir vite, très vite. Je refuse de pleurer devant mon fils qui se donne tellement de mal. Je ne veux pas qu'il voit toute cette souffrance. Je m'isole pour pleurer.

Certains penseront que je suis dans le déni. Pas du tout. Je suis consciente de ses efforts et de ses progrès. Je ne m'explique pas pourquoi il s'obstine à n'en faire qu'à sa tête.

Lors d'un bilan, vous êtes à la place de l'accusé. Seule devant toute une équipe, qui tantôt regardera le sol, tantôt vous regardera avec ce regard de pitié que je déteste.
Ils sont souvent jeunes, pas même parents. Si je fermais les yeux, je pourrais les entendre réciter toute cette théorie apprise sur le banc d'une école.
J'assiste à mon procès en quelque sorte. La pauvre malheureuse à qui on doit annoncer que son fils est un bon à rien.

Pour les professionnels, Simon est un cas comme un autre. Moi, c'est mon fils, la prunelle de mes yeux et n'accepterai jamais qu'on parle ou qu'on écrive des propos incorrects et blessants.

Simon est ma fierté, notre fierté. J'aimerais tant retourner dans ce centre pour leur montrer comme ils se sont trompés. Je n'en ferai rien. Je n'en n'ai ni le courage ni le temps.

Ce qui est rassurant, c'est qu'à l'école du Grand Tour que fréquente Simon, ils ont adopté un système d'évaluation plus global et complet, qui reprend à présent les points forts, les points négatifs et les actions mises en place pour tenter de pallier aux points négatifs, ce qui est plus agréable à lire, plus du tout agressif. C'est un réel soulagement!

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