Ce matin, au petit-déjeuner, Simon me dit "Simon, vacances, Simon nonnon"
Je suis épatée de voir qu'il se repère dans le temps. Il a retenu que cette semaine, il n'irait pas à l'école et me demande d'aller chez son grand-père. Entre nous, je ne m'explique pas pourquoi il a tendance à rajouter des "n" en fin de mot. Nonno et non nonnon, Rosa et non Rosan.
Je lui explique qu'il n'ira pas chez son grand-père mais qu'il participera à un stage sportif. Tout content, il regarde sa soeur et dit "Mélie"
C'est la première fois qu'Amélie n'ira pas au même stage que lui. Non pas que je ne veuille pas mais celle-ci se retrouve plâtrée suite à un accident à l'école et ne peut pas faire de sport, elle fera un stage d'anglais, stage qui est bien entendu inaccessible à Simon.
Amélie prend une voix toute douce, lui montre fièrement son plâtre et lui dit "Tu vois Simon, j'ai un plâtre, je ne peux pas venir avec toi". C'est touchant.
Je suis tout de même nerveuse car elle représente en quelque sorte ma bouée de secours, si quelque chose va mal, elle le comprend et peut l'aider, elle peut m'en parler . Je n'ai pas le choix, je dois lui faire confiance et faire confiance en l'équipe que je connais désormais très bien.
Si à l'heure actuelle, les stages se déroulent plutôt bien, cela n'a pas toujours été le cas.
Combien de fois ne l'avons-nous pas inscrit à un stage pour ensuite nous le voir refuser par manque de place. Et comme par enchantement, il y en avait pour sa soeur.
Souvent, ce sont des regards et des mots maladroits. Ils ne connaissent pas le handicap, la trisomie 21. Ce sont des jeunes éducateurs avec peu d'expérience. Au lieu d'être sincère et honnête, de me donner les vraies raisons du refus telles que le manque de personnel ou le manque d'information sur la trisomie 21, ils se cachent derrière de fausses excuses qui font mal, très mal.
Il nous faut frapper à de nombreuses portes pour qu'une, enfin, s'ouvre à nous.
Je me souviens d'une année, c'était en juillet, nous avions pris la décision de l'inscrire à un stage de psychomotricité avec tous des enfants handicapés pour qu'il soit parmi les siens. Le stage était hors de prix, prix qui se justifiait par le déploiement de moyens pour ces enfants.
Lorsque Simon rentrait le soir, je le trouvais fatigué, amorphe, sans aucune énergie voire déprimé. Je sentais que quelque chose ne tournait pas rond.
Le troisième jour, je décidai d'aller le chercher plus tôt mais sans prévenir bien sûr, ce serait une surprise.
Et quelle surprise. Mon cœur s'est arrêté de battre, il me manquait l'oxygène. Le spectacle que je m'apprêtais à voir était de l'ordre de l'inimaginable.
On nous avait demandé d'apporter un vieux vêtement pour l'activité peinture. Je leur avais donné une chemise de son papa, pour qu'il ait une odeur familière, un doudou de la maison.
Lorsque ce fameux troisième jour je suis arrivée, Simon portait un affreux t-shirt rose, bariolé de fleurs, beaucoup trop grand pour lui, noué au niveau des manches. On aurait dit qu'il portait une camisole.
La chemise, quant à elle, était portée par l'éducatrice pour ne pas se salir.
Simon est enfant coquet, il ne se sent pas à l'aise lorsqu'il ne se sent pas beau. Inutile de vous expliquer quel était son état d'esprit quand je suis arrivée.
L'éducatrice tente de m'expliquer que Simon a eu un accident aux toilettes et qu'ils n'avaient pas trouver de vêtements de rechange. Étonnant pour un stage dit "spécialisé". Je lui montre du doigt la chemise qu'elle porte, elle se fond en excuses et la retire immédiatement.
Les 5 enfants étaient dehors, il faisait très chaud. Elle leur demande : "Qui veut boire?" Ce sont tous des enfants handicapés qui ne parlent pas ou très peu, personne ne répond, elle leur permet de retourner jouer. Je suis sidérée, elle ne leur a même pas montré l'eau, ni les gobelets, rien. Personne n'a bu. J'ai pensé à une plaisanterie. Non, c'était bien la réalité.
Dans la salle, pas un dessin, pas un bricolage, une vieille caisse en carton avec quelques poupées et voitures.
Les enfants n'ont pas l'air heureux, pas un sourire, pas un rire, ils ont tous cet air de fatigue. Ils n'ont pas l'air bien. C'est le calme plat.
Elles sont deux éducatrices pour cinq enfants et je les vois papoter et surveiller les enfants de loin.
Ne voient-elles pas que les enfants ne s'amusent pas, qu'ils ont chaud, qu'ils ont peut-être envie qu'on leur raconte une histoire, qu'on leur chante une chanson, qu'ils ont peut-être envie de dessiner ou autre chose encore?
Elles sont là à me regarder comme si j'étais une délurée.
Je cherche les chaussures de mon fils, elles sont introuvables. Je ne leur demande même pas pourquoi mon fils se trouvait dehors sans chaussure, je veux partir.
Je suis de très mauvaise humeur, ça se voit, je ne le cache pas. L'éducatrice court dans tous les sens, elle panique. Tu as raison de paniquer ma chérie car si je pouvais t'achever, je le ferais sans aucun remord.
Elle retrouve les chaussures dans le dortoir. Je n'attends pas qu'on m'y invite et pousse la porte. En guise de dortoir, une salle qui sent mauvais avec des matelas de gym, pas un drap, rien. Les enfants ont dormi à même le matelas. Avec la chaleur, ils ont dû transpirer, ce n'était ni hygiénique ni confortable.
On pourrait croire qu'avec le temps, je puisse ne plus être objective et grossir les événements. Pas du tout. Ma maman est là, avec moi, elle tient Simon fort dans ses bras, elle cherche désespérément une porte, la porte qui les mènera vers la sortie. Elle m'en veut car à force de chercher des endroits et des activités pour que Simon puisse progresser, il m'arrive de sonner à de mauvaises portes et faire vivre des moments à Simon que j'aurais préféré lui éviter.
Je n'ai même pas demander à me faire rembourser jurant qu'on ne m'y reprendrait plus.
Le lendemain, je me suis arrangée avec ma maman pour le faire garder. Simon était libéré de cette prison, heureux et serein.
J'ai eu la chance de trouver par la suite des stages ouverts à tous, moins chers et bien plus professionnels : Aqua and Kids à Bruxelles, Sport Vital à Rixensart, le Funambule à Genval, Petit à Petit à Rixensart,...
Malgré tout, je ne parviens plus à leur donner ma confiance absolue et aime arriver en surprise pour être certaine que tout se passe pour le mieux. Désormais, je ne crois que ce que je vois!
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